mercredi 30 septembre 2009

Amalia Rodrigues, la reine du fado






Personne n’a mieux chanté le fado , ce chant mélancolique portugais qui prend à la gorge en exprimant le mal de vivre, la passion, la jalousie, la nostalgie et le désespoir que la légendaire Amalia Rodrigues qui a donné à ce genre musical issu des milieux les plus misérables ses lettres de noblesse et une renommée internationale. Poignante, digne et magnifique, cette chanteuse d’une grande présence et d’une beauté incontestable a si bien su incarner incarner l’âme portugaise à travers ses chansons qu’elle a rapidement gagné un statut incomparable dans son pays, et que même plusieurs années après son décès aucun artiste ne l’a vraiment remplacée dans le coeur des portugais.
Née en 1920 dans une famille extrêmement pauvre, la petite Malia été contrainte d’interrompre très tôt sa scolarité pour aider sa famille et travailler en repassant des vêtements. A 18 ans, la jeune femme remporte un concours de chant , puis dégote un engagement dans une boite à fado du quartier de l’Alfama à Lisbonne, accompagné à la guitare par celui qui va devenir son premier mari. Alors que la capitale du Portugal est devenue une plaque tournante de l’espionnage en pleine seconde guerre mondiale, la chanteuse, remarquée pour la forte émotion dont elle habite ses interprétations, grimpe rapidement les échelons de la gloire. Fraîchement divorcée, elle chante à présent dans les cabarets les plus huppés de la ville et gagne très bien sa vie. En 1944, elle se rend en tournée au Brésil et enthousiasme le public. Avec un tel succès et une si grande beauté, il était inévitable qu’Amalia croise un jour le chemin des studios de cinéma : son premier film, une romance musicale dans le milieu estudiantin de Coimbra, illustrée d’une quinzaine de chansons est un succès sans précédent au Portugal, où la production cinématographique a toujours été très réduite. En tenant l’affiche plus de 22 semaines, le film bat tous les records d’exclusivité. Amalia joue ensuite dans un film, apte ment dénommé fado (1948). Un mélo à l’ancienne, où elle tient un peu son rôle: celui d’une femme très pauvre, qui grâce à sa voix et son talent devient une grande vedette fêtée par la haute société. Évidemment, comme souvent dans ce type de films, l’argent ne fait pas le bonheur et elle s’éloigne de l’homme qu’elle aimait, tandis que la fillette qu’elle protégeait meurt sans qu’elle puisse se rendre à son chevet, ce qui lui vaut d’être rejetée par ses proches. Malgré son coté misérabiliste, le film retient l’attention grâce au charisme de la chanteuse , particulièrement photogénique. Les fados (surtout le principal, absolument superbe) et le flamenco qu’elle entonne en espagnol ont absolument superbes.
Antonio Ferro le ministre de la culture de la dictature de Salazar, l’encourage alors à chanter à l’étranger. Un de ses fados, Coimbra repris en français par la chanteuse de charme Yvette Giraud devient un tube en France et même aux États-Unis (par Vic Damone). La même Yvette Giraud reprend avec un succès presque égal Cancao de mar (sous le titre trop de joie), un titre dont la pérennité sera grade car Hélène Ségara le reprendra 50 ans plus tard (sous le titre elle tu l’aimes).
Son succès au Mexique lui vaut un engagement aux USA, où grâce à son agent elle assiste au tournage d’une partie d’une étoile est née avec Judy Garland. La chanteuse sera choquée en constatant que la même scène est rejouée 17 fois, alors que dans les studios portugais où la pellicule était rare, la première prise était toujours la bonne.
En tous les cas, même en reprenant les cènes 17 fois, rien ne pouvait sauver de la convention, Sangue toureiro (1958) un mélo portugais en couleurs où Amalia faisait perdre la tête à un jeune homme qui quittait l’exploitation des terres familiales pour sa belle artiste, en gagnant sa vie comme toréador. Finalement, pour ne pas contrarier son avenir, la chanteuse acceptait de s’effacer tout en devenant star international. Heureusement, les chansons (y compris une sorte de tcha tcha endiablé) et la digne présence de l’artiste sauvaient cette carte postale colorée de la catastrophe.
Trois ans avant, la chanteuse avait fait forte impression en chantant barque negro (air repris en France par la nouvelle venue Dalida) dans le film d’Henri Verneuil les amants du Tage . Aznavour, sous le charme, lui compose mourir pour toi et lui ouvre les portes de la gloire en France.
Désormais, Amalia Rodrigues est devenue une star internationale hautement respectée qui triomphe dans chaque pays qu’elle visite : en Italie, son succès est tel qu’elle enregistre même des airs folkloriques du cru, en Angleterre, elle reprend quelques standards de jazz comme the nearnest of you (superbement) ou un air du musical Oliver. En France, elle fait un succès de sa maison sur le port en 1969 et chante Inch’allah d’ Adamo. Coté cinéma, la vedette profite de ses escales mexicaines pour paraître en guest star dans deux revue musicales comme musical de siempre (1958) ou las tancions unidas (1960) dont elle partage l’affiche avec des stars internationales comme Piaf, Yma Sumac, Lola Beltran ou Jacqueline François.
Mais il semblerait que son meilleur film demeure les îles enchantées, une adaptation d’Herman Melville avec Pierre Clémenti, où sa présence et sa beauté semblent enfin utilisés à bon escient.
On peut regretter qu’avec une telle aura, l’artiste n’ait pas mené une carrière à l’écran à la Magnani, dont elle avait l’autorité et la fougue.
En 1974, après un coup d’état militaire, le gouvernement de Salazar est renversé. Amalia, qui a joui d’une immense popularité pendant ses années sombres, sans jamais profiter de sa notoriété à l’étranger pour dénoncer la dictature, est alors vivement critiquée par la gauche. Meurtrie par ces attaques , la vedette sombre dans la dépression. On ajoutera au passage que cette dernière a toujours été en proie au mal de vivre depuis son adolescence multiplié les tentatives de suicide.

Finalement, au bout de quelques années, la star va retrouver son prestige d’antan, en se consacrant le plus souvent à l’écriture des textes de ses nouvelles chansons. A son décès en 1999, alors qu’elle venait tout juste de finir une longe interview pour un documentaire sur sa vie, un deuil national sera même proclamé pour 3 jours. Elle demeure dans son pays une immense star dont l’ombre plane toujours sur les rives du Tage . A Lisbonne, un magasin de disques à son nom propose un grand choix de ses enregistrements (notamment un coffret comprenant ses enregistrements en espagnol, français, anglais, italien) et quelques uns de ses films, sous titrés en français.

2 commentaires:

  1. Voilà une voix qui vous pénétre jusqu'à l'âme.
    Merci Madame pour tout le bonheur que vous m'avez donné.

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  2. une voix belle, Amalia me bouleverse elle est superbe.
    muita obrigada Dona amalia

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