jeudi 26 février 2009

Mary Martin, la reine de Broadway






Les artistes d’Hollywood n’ont pas toujours réussi, loin s’en faut, à briller sur les scènes de Broadway. De même, certaines étoiles de la scène new-yorkaise ne sont pas parvenues à s’imposer sur grand écran. C’est le cas de la chanteuse et comédienne Mary Martin dont la carrière sur scène fut pourtant des plus prestigieuses.



Née en 1913 dans le Texas, elle se fait remarquer toute jeune en imitant les vedettes de la chanson et du cinéma. Mariée à 17 ans à un avocat, et maman à 18 (d’un petit Larry Hagman qui deviendra célèbre bien plus tard dans la série télé Dallas), elle ouvre une école de danse.Cependant, très vite, elle se sépare de son mari, place son fils dans une pension militaire « afin qu’il ne devienne pas une fille manquée (je cite) » (il lui en voudra beaucoup et s’en plaindra des décennies pus tard) et part pour Hollywood, où elle est plutôt mal accueillie. Elle passe des bouts d’essai auprès de plusieurs studios qui la rejettent tous au motif qu’elle n’est pas photogénique. Sollicitée par l’Universal pour donner quelques cours de danse à Danielle Darrieux pour le film la coqueluche de Paris (1938), elle est virée par la vedette française qui s’est sentie humiliée quand Mary a dansé brillamment devant tout le plateau le numéro que Danielle n’arrivait pas à apprendre. Remarquée lors d’une soirée par le célèbre compositeur Cole Porter, Mary est engagée pour un petit rôle dans l’opérette Leave it to me, aux cotés d’un Gene Kelly débutant. Le strip-tease qu’elle exécute au milieu d’eskimos, en chantant my heart belongs to Daddy (chanson qui sera reprise plus tard par Peggy Lee et évidemment Marilyn Monroe) fait d’elle une star du jour au lendemain.Immédiatement, Hollywood qui l’avait toujours rejetée la réclame. La Paramount l’engage, et pendant 4 ans, Mary Martin va paraître dans diverses comédies musicales. Tantôt maquillée comme Claudette Colbert, Rosalind Russell ou sa grande copine Janet Gaynor, on sent que le studio a du mal à lui trouver un créneau et à la mettre en valeur. Pourtant Mary est charmante et chante fort plaisamment dans les deux bons films qu’elle tourne avec Bing Crosby (Birth of the blues et Rythmn on the river) et se distingue des partenaires potiches du crooner par la finesse de son jeu et son élégante présence. Peut être justement que la jeune artiste était un peu trop douée et originale pour interpréter des rôles d’ingénues dans lesquels on cantonnait souvent les chanteuses de comédies musicales.




Sa séquence avec le Golden Gate Quartet dans « Au pays du rythme »1942, sur un air entraînant d’Harold Arlen, est peut être la meilleure d’une super production qui ne manque pas de talents. Vedette à tout prix (1941) est une plaisante parodie sur la campagne publicitaire (et la recherche de la Scarlett idéale) qui a précédé le tournage d’Autant en emporte le vent




En revanche, dans « Happy go lucky » 1943, elle est éclipsée par la turbulente Betty Hutton.En 1942, Mary épouse un décorateur. Si l’on croit les propos rapportés par Robert Cummings et Gower Champion, il semble que ce mariage arrangé pour les deux protagonistes (c’était chose fréquente à Hollywood) n’était qu’une couverture destinée à cacher l’inavouable grand amour de la vie de Mary : Janet Gaynor (comédienne très populaire au début des années 30), elle-même mariée avec un grand couturier de la MGM, Adrian.Déçue par le monde du cinéma (elle raconte dans son autobiographie, qu’elle devait se lever tôt et se faire coiffer et maquiller de bonne heure pour attendre parfois toute la journée qu’un qu’on l’appelle finalement pour un close-up, ce qui irritait sa nature impatiente), elle saute de joie quand un producteur de Broadway lui propose de jouer dans un musical du grand Kurt Weill (connu pour sa prestigieuse collaboration avec Brecht), un caprice de Vénus. La Paramount la laisse partir sans difficultés. Le succès du spectacle est à nouveau retentissant : Mary Martin est appelée à Hollywood pour jouer son propre rôle dans une séquence de Nuit et Jour, bio complètement édulcorée (et bien décevante sur un plan strictement musical) de la vie de Cole Porter. Elle y reprend avec talent son « heart belongs to Daddy » : c’est d’ailleurs le meilleur moment du film. Après avoir envisagé de la faire figurer dans une adaptation du caprice de Vénus (c’est Ava Gardner qui héritera du rôle) et dans Romance à Rio (c’est Doris Day qui décrochera le rôle), Hollywood la laisse tomber, après bouts d’essai pour des raisons invariables : pas assez photogénique !








Mary Martin tourne alors définitivement le dos à Hollywood et va devenir en quelques musicals triomphaux la vraie reine de Broadway. South pacific (1948), Peter Pan (1953) et la Mélodie du Bonheur (1959) et Hello Dolly (1964) seront des succès extraordinaires de sa prestigieuse carrière. Apparemment, Mary avait besoin du contact direct avec le public pour donner le meilleur d’elle-même, et à Broadway, elle est dans son élément. Lors de l’adaptation à l’écran de ces différents monuments, Hollywood n’envisagera même plus une seconde d’engager Mary Martin (trop âgée pour le grand écran). En revanche, ses prestations à la télévision, en live (comme son duo avec Ethel Merman dans un show de 1953) seront très populaires. En 1978, elle refuse de jouer le rôle de Miss Elie dans le feuilleton Dallas aux cotés de son fils (JR). (Ce dernier connaîtra ainsi une gloire tardive dans cette navrante mais ô combien populaire saga.) En revanche, elle joue des rôles de vielle femme dans quelques téléfilms et retrouve sa rivale Ethel Merman dans un grand show à Broadway. Dans les années 80, Mary Martin et Janet Gaynor seront très gravement blessées dans un accident de voiture. Gaynor qui ne se remettra jamais de l’accident décèdera en 1984 et Mary Martin en 1990 (d’un cancer au colon).



Si le cinéma n’a pas su exploiter le talent de Mary Martin, il est toujours agréable de visionner ses films (plusieurs sont sortis en DVD) dans lesquels on sent poindre un talent qu’elle mettra pleinement en valeur sur les plus grandes scènes de New-York. Sa voix, à la fois aérienne et parfaitement maîtrisée est également des plus agréable à écouter.

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